jeudi, mars 30, 2006

La vieille Eneïde !

Aujourd'hui, les Français n’ont que deux cent ans et des poussières....
L’âge de leur Révolution. Un âge trop ingénu et trop radical pour incarner une vérité universelle.
Dans les Balkans, on apprend vite à vieillir. A condition de vouloir accepter l'héritage de notre civilisation pour tenter d'en dessiner les contours à venir.
Notre histoire européenne commence il y a trois ou quatre mille ans, au moins. Il nous faut accomplir cet effort de vieillir jusqu'au point de pouvoir raconter cette histoire comme si c'était "notre propre autobiographie" (Sloterdijk).
Sans cela, comment perfectionner notre identité commune, comment la métamorphoser ?
Ce comment impliquant un pourquoi, un pour qui et un où ?


Ici, dans les Balkans, tout, à tout moment, nous parle des Empires : les langues, les cultures, les politiques, les architectures, les successions de déplacements de frontières, et même la cuisine !
Rien n'évoque nos universaux révolutionnaires juvéniles.

Wer nich von dreytausend Jahren
Sich weiB Rechenschaft zu geben,
Bleib im Dunkeln unerfahren,
Mag von Tag zu Tage leben
.
Goethe, Le Divan
(Celui qui, de trois mille ans, ne sait pas rendre compte, qu’il demeure ignorant et dans les ténèbres, qu’il vive du jour au lendemain.)


Vieillir, c’est accepter de porter le poids de la complexité et refuser les engagements binaires.
Refuser le binaire exclusif, l'un ou l'autre pour revendiquer le duel, l'un et l'autre, l'un avec l'autre.
Les démographes nous disent : « l’Europe vieillit », les anthropologues répondent : « Mais où sont passés les adultes en Europe ? », les philosophes pourraient s'interroger : « Pourquoi cet oubli des vieilles Eneïdes sans lesquelles point d’avenir européen ? »

mardi, mars 28, 2006

Miroir, mon beau miroir, dis-moi...




Ce 28 mars, je me suis téléportée en France…
Paris, Bordeaux, Marseille, Rennes, Lille ... bien sûr, mais aussi Avignon, Carcassonne, Laval, Mulhouse, Valence et même Digne ...


Et malgré moi, malgré ma tendresse et ma sympathie pour ce moment exceptionnel, j’ai eu l’impression d’un moment de luxe inouï, d’une gâterie folle, d’un grand bonheur citoyen terriblement français… presque provocateur.
Mais après tout... ??


L’identité française s’adore à ce miroir et cela en devient parfois incompréhensible d’aimer à ce point la liberté et la démocratie et de ressentir une telle peur de l'Autre et de l'étranger. Bien sûr, la jeunesse ne peut accepter ce déni d'avenir mais on aimerait aussi une ouverture pour d'autres solidarités, un mouvement vers d'autres horizons.

A Belgrade, hier soir, en écho, se jouait Le Bourgeois Gentilhomme, version Chambord.
Un concentré de l'esprit français : auto-dérision des pouvoirs et des savoirs, esthétique de la subversion, avènement de l'esprit bourgeois trendy et kitsch...
Et aussi, la joie de l'innovation au sein des règles précises et complexes du code musical, gestuel et spirituel baroque, de l'invention sans retenue, le plaisir pur du badinage et du libertinage dans un monde sans Dieu, et que l'on rêve presque sans Maître hormis ceux qui guident vers le beau, le superflu, la gratuité.
De loin, on se sent terriblement heureux de se reconnaître, de se mirer, de se plaire dans cette identité.


Pendant que j'assistais à ce spectacle, ce texte de Sloterdijk m'est revenu en mémoire, commentaire assez adéquat de ce que je ressens en cette journée en voyant ces photos étonnantes depuis la Serbie.















« Depuis très longtemps, dans la tradition du radicalisme esthétique français, c’est précisément la sûreté avec laquelle les caractères les plus intégrés, les plus branchés, les plus représentatifs, donc les plus bourgeois, ont assumé la position du Bürgerfresser, du bouffeur de bourgeois. Le bourgeois qui bouffe du bourgeois est un élément de civilisation française qui m’a toujours beaucoup impressionné, même à une époque où j’étais incapable de me rendre compte, d’où venait cette fascination. Le radicalisme français, c’est l’incarnation la plus parfaite de la différence, commentée par Marx, entre le citoyen et le bourgeois. Le bourgeois, avec Bonaparte, croit que la révolution est finie, tandis que le citoyen vit toujours en l’attente de la véritable révolution. Le sujet français peut absorber toute la dimension subversive du monde sans être une simple marionnette radicale. Il est source de radicalité devenue homme. La radicalité éternelle fait figure de bon Français. Il est la révolution permanente à la première personne. » Peter Sloterdijk, Les Battements du monde, 2003

dimanche, mars 26, 2006

E la primavera, Leo





Volare, cantare ?



«(…) y a nos chagrins qu'ont des couleurs
y a mêm' du printemps chez l'malheur (…)
y a la pluie qu'est passée chez Dior
pour s'payer l'modèl' Soleil d'Or…
»
Léo Ferré
C’est le printemps !


C’est vraiment banal de le dire ainsi, mais on l’attendait depuis si longtemps, ce déferlement de sensations, d’énergies, de pulsions, de lumières …





Uscire...



Un vague à l’âme irrépressible, maelstrom joyeux et poignant, où on ne saurait démêler le plaisir pur d’une nostalgie diffuse mais persistante, énervante.
Une nostalgie en noir et vert.


Changement d’heure, d’air, de saison, Belgrade dévêt tous ses habitants sur des terrasses ensoleillées, on a envie d’aligner ainsi les clichés sur les enfants rieurs, les promeneurs souriants, les cieux bleus et ensoleillés, les rives du Danube et de la Save à nouveau accueillantes, la belle ville du sud balkanique qui sait charmer et faire rêver…

Spring Mercurian building


Elle est peut-être là, la cause de ce regret indécis et irritant, dans cette impossibilité d’évoquer le filage du temps autrement que dans ces répétitions épuisantes, des mots et parfois de la vie aussi. On sent bien que tout pourrait devenir possible à condition d'apprendre à oublier beaucoup, beaucoup sauf...


« Ce qu'il faut de désirs aux heures de l'ennui
Et ce qu'il faut mentir pour que mentent les choses
Ce qu'il faut inventer pour que meurent les roses
L'espace d'un matin l'espace d'une nuit

Jamais ne vient l'avril dans le fond de mon cœur
Cet éternel hiver qui bat comme une caisse
Qu'on clouerait sans répit depuis que ma jeunesse
A décidé d'aller se faire teindre ailleurs
. »

Léo Ferré, Le printemps des poètes

mercredi, mars 22, 2006

Basic CPE



A Belgrade, il suffit qu’un air tiède de printemps souffle deux jours durant pour provoquer une explosion prometteuse de bourgeons aux arbres qui ornent les rues.
A Paris, il suffit parfois qu’un gouvernement sente l’arrivée des ces jours dolents et toniques à la fois, propices aux désirs de rébellions festives, pour qu’il sorte de ses tiroirs une mesure dédiée à la jeunesse (que les intéressés n’attendent, ni ne réclament) , que celle-ci ressentira aussi bien discriminatoire que provocatrice : ainsi explosent les bourgeons lycéens, étudiants et autres vertes pousses prometteuses dans le printemps français.
« April in Paris », Mai 68 …tout l’imaginaire politique printanier de la France !
Cet imaginaire a bouleversé jusqu’à Sharon Stone, de passage à Paris, qui a pris vivement le parti de la jeunesse contre le CPE.

Sincèrement, je ne connais du CPE que ce que j’en ai lu dans la presse. Autant dire rien de fiable. Je n’ai pas eu la loi entre les mains. Ce n’est pas bien du tout. Mais cela ne m’empêche pas, comme Sharon Stone, d’éprouver beaucoup, beaucoup de tendresse pour les jeunes manifestants.
A la lumière encore rayonnante de mes propres 17 ans et de mes souvenirs adolescents.

On ne dira jamais assez l’apprentissage formidable que constituent les manifestations de printemps : une éducation politique et citoyenne inévaluable.

Apprendre à lire des textes de loi, à raisonner, exposer, argumenter, convaincre, expliquer, à rédiger des tracts, des communiqués de presse, des déclarations d’Ag, des motions de synthèse, à organiser des réunions de groupe et à gérer leur dynamique, à planifier des actions collectives, à négocier avec les autorités, les organisations politiques et syndicales institutionnelles toutes les autorisations de parcours et la mise en place des dispositifs de sécurité, à tisser un réseau national. Découvrir le pouvoir, le contre-pouvoir, la provocation, la violence pour de vrai, les casseurs, les infiltrations, les désillusions, les négociations, la nécessité des compromis, le pragmatisme…Tout ceci apporte à ceux, nombreux, qui se lancent dans ces actions avec sérieux et enthousiasme, une expérience de la démocratie participative irremplaçable!

Et puis comment ne pas évoquer le charme romantique irrésistible des rencontres passionnées dans des joutes intellectuelles fécondes (toutes neurones bien neuves aux aguets), des nuits blanches d’occupation musicales et enfumées, des fuites précipitées sous des porches obscurs, des marches interminables main dans la main, des regards noyés de larmes (fumée des lacrymos) se découvrant au dessus d’un foulard mal noué, des enthousiasmes partagés et des fous rires de cet âge du devenir et de tous les possibles.
La politique heureusement s’apprend aussi dans le désir et le plaisir. Les Lumières, le libertinage et les chambardements s’entendent si bien. Le puritanisme (affiché) n’accompagne que les restaurations et les totalitarismes.

Enfin, le tragique aussi. Ma génération n’oubliera jamais Malik Oussekine, ni le plus jamais ça qui résonne encore à nos oreilles.

Sharon Stone a succombé à cet enivrement politique si français , je la comprends…
On n’est pas sérieux quand on a 17 ans et qu’on a des tilleuls verts sur la promenade…
On s'enivre de révolution et on en devient enivrant quand on a 17 ans , et qu’on ne sait pas encore tout d' Arthur R…


mardi, mars 21, 2006

Tods, Ferrari, Corriere : l'aristocratie libérale italienne choisit la gauche






Si les images d’un Silvio Berlusconi outré, d’un Cavaliere désarçonné face à des chefs d'entreprise fameux qui s'opposent à lui , nous amusent, elles doivent aussi nous amener à laisser tomber préjugés et simplifications.
Le libéralisme n’est pas la loi de la jungle. Le libéralisme n’a rien à voir avec le capitalisme financier ou ultralibéralisme d’aujourd’hui.

Nous pouvons même dire que nous ne connaissons pas de société véritablement libérale. Et nous n’en connaîtrons pas dans l'avenir si la gauche n’accepte pas de se colleter sans tabou au libéralisme, à son histoire et à son devenir.

Le libéralisme, dans sa tradition philosophique, associe étroitement « la défense des libertés personnelles à l’efficacité des règles collectives ». Le libéralisme combat à la fois l’asservissement et la précarité : pas de liberté(s) sans une certaine sécurité collective. La hantise de la pensée libérale est justement cet ultra libéralisme dérégulé du profit maximum. Car sans normes, sans valeurs partagées, sans régulations, aucune liberté ne peut s’exercer sauf aux dépens de celles d’autrui.
Et ainsi, dans la mesure, où tout un chacun peut anticiper le fait qu’un appareil juridique impartial garantira son droit à agir librement sans abus de pouvoir ou de domination, les sociétés libérales sont des sociétés confiantes et responsables : force est de constater qu’elles n’existent pas encore, loin s'en faut !!! .
Spontanéité, hétérogénéité, confiance, indépendance individuelle pour mener à bien une coopération sociale efficace (privée ou publique), « égalité des possibles » par une garantie d’accès à des biens publics fondamentaux, mutuelle assistance par la participation volontaire à une même communauté : on retrouve ici les bases du libéralisme traditionnel mais aussi celles d’une société ouverte, démocratique et … de gauche !
Le libéralisme et la gauche doivent à présent engager un flirt passionné. Les industriels italiens le comprennent à merveille. Avec le glamour de ces latin-lover déclarés, la gauche européenne tout entière ne devrait pas résister longtemps.

Comme l’écrit Monique Canto Sperber, à qui ce « post » doit beaucoup, (cf : Les Règles de la liberté ; Pourquoi le libéralisme n’est pas le laisser-faire) : « La question clé d’aujourd’hui ne serait donc pas de savoir comment sortir du libéralisme mais plutôt de savoir comment y entrer enfin. »

Les entrepreneurs italiens, en aristocrates sensés, affirment dans une provocation salutaire que « richesse oblige » ! Entendons-les .

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lundi, mars 20, 2006

A Varsovie

Première visite à Varsovie.
Il neige. Il fait froid et gris. Une guide m’a été envoyée. Son activité habituelle consiste à assurer une veille des monuments à la mémoire du ghetto, de l’extermination et de la résistance des juifs. Vivre ainsi en permanence dans le souvenir de l’horreur absolue lui cause une grande souffrance et la met dans un état de surexcitation assez pénible. Elle connaît admirablement l'histoire et les traces du ghetto dans la ville mais elle disjoncte sec.
Sans cesse à se remémorer l’abominable, l’abominable l’a imprégnée. Ses propos sont parfois insupportables sur les touristes allemands, parfois surréalistes sur les catholiques qui profanent les monuments juifs en déposant des croix en bois partout, parfois fulgurants sur Jean-Paul II agent du capitalisme, parfois "limites" sur la lutte des classes même dans le ghetto...
La mémoire du ghetto vibre. Tout autour des stèles, des vestiges arrachés à ce passé monstrueux, disséminés dans l’indifférence des blocs d’habitations communistes. Des gens vivent normalement (mais comment faire autrement ?) dans des immeubles mornes et uniformes dont les fenêtres donnent sur l’esplanade de départ pour Treblinka.
Une visite, étourdissante, à perdre pied. Je perds pied et lorsque je me retrouve dans le disneyland de la vieille ville, je décide que cette fois, je ne connaitrai pas Varsovie pour l'aimer.

Comment rester de gauche aujourd’hui ? Telle est la question lancinante pour laquelle je me suis rendue à une réunion à Varsovie.
L'une des réponses possibles me vient bien finalement de la Pologne. C’est Gombrowicz qui l'apporte : en refusant de rester immature. En acceptant l’héritage. Non comme une transmission pesante. Mais avec la responsabilité d’en reconnaître la richesse (matérielle et immatérielle), d’en éliminer les erreurs atroces, et de l’enrichir encore en l’allégeant. Etre de gauche en occident : c’est être un adulte conscient de sa richesse (richesse sans exclusion : du savoir, de la culture, de l’art, de la science, de la technologie) et de ses erreurs terrifiantes. Richesse oblige pour un européen ou un américain de gauche. Je reviendrai longuement, plus tard, là-dessus.

En attendant, de la Pologne, me seront revenus mes lectures et mes engouements pour le génial Witold Gombrowicz. Lui qui a fustigé les «gueules » et la « culculterie ». « Faire une gueule » à quelqu’un : le transformer par une propagande insoutenable en son contraire. «L’enculculement » : rendre définitivement immature quelqu’un, l’infantiliser, ne lui montrer son salut qu’à travers le père, la nation, l’idéologie.
De Belgrade, à Paris, Minsk, Moscou, Varsovie, ces jours-ci ,la «culculterie » culmine.
Etre de gauche en occident : c’est refuser la « culculterie » et la « gueule », c’est choisir de devenir un adulte léger avec un visage heureux, par respect et avec volontarisme.

« Car il n’y a d’autre refuge contre la gueule que dans une autre gueule, et l’on ne peut se protéger de l’homme que par l’entremise d’un autre homme. Mais contre le culcul, il n’y a pas de refuge. Courez après moi si vous voulez. Je m’enfuis la gueule entre les mains. – et voilà, tralala, zut à celui qui le lira ! » (dernières lignes de Ferdydurke)

mercredi, mars 15, 2006

Noire comme la neige





Depuis trois jours, il neige sans discontinuer. Pas très froid. Neige boueuse et noirâtre aussitôt tombée. Le ciel grisâtre. Le retour d'une dépouille des années noires. La neige noirâtre et le passé lugubre s'entremêlent. Belgrade ne m'a jamais parue aussi sombre, grise et déprimante.





Orhan Pamuk a écrit "Snow", il a échappé de peu à une longue peine de prison pour cette neige là. Son livre nous fait saisir ces lézardes de l'occident qu'aucune neige ne pourra recouvrir. Son livre est une oeuvre exceptionnelle. Le silence de cette neige belgradoise m'assourdit au point de ne pouvoir rien supporter . Comme son livre nous étourdit et nous laisse sans voix à la contemplation de cet occidental décomposé que nous abritons et que nous tentons dérisoirement d'animer au quotidien.

"Veiling as it did the dirt, the mud and the darkness, the snow would continue to speak to Ka of purity, but after his first day in Kars, it no longer promise innocence. The snow here was tiring, irritating, terrorising. (...) But it no longer took him to the snowy streets of his childhood, no longer made him think, as he has done as a child standing at the windows of the sturdy houses of Nisantas, that he was peering into a fairy tale, no longer returned him to a place where he could enjoy the middleclass life he missed too much even to visit in his dreams. Instead, it spoke to him of hopelessness and misery. (...) These sights spoke of a strange and powerful loneliness. It was as if he were in a place that the whole world had forgotten ; as if it were snowing at the end of the world."

mardi, mars 14, 2006

Une analyse limpide

Depuis des jours, je cherche à exprimer impartialement ce que j'ai lu, ce que je lis encore et ce que me disent les ex-yougoslaves que je rencontre ici, ceux qui ont contribué au renversement de S.Milosevic, ceux qui faisaient partie du million de personnes qui ont participé aux journées de Belgrade en 2000 et ceux qui les ont soutenues.

Enfin, je trouve aujourd'hui, clairement exposé et en peu de mots, le résumé adéquat de ce que j'entends ici.


C'était aujourd'hui dans le NOUVELOBS.COM 13.03.06 17:30

Ce procès est un fiasco ... intéressant !

par Catherine Samary,maître de conférenceà l'université Paris-Dauphine et à l'institut d'études européennes de Paris VIII,spécialiste des Balkans



Quelles conséquences peut avoir le décès de Milosevic ?

- C'est très dommageable qu'on ne puisse pas aller au fond de ce procès. Rien ne sera prouvé: ni du côté de ceux qui disent Milosevic coupable de génocide, ni du côté de ceux qui considéraient qu'on ne pouvait pas prouver ça. La mort de Milosevic va plutôt consolider son image de victime.
D'autre part, ce procès non terminé ne va pas aider à faire la lumière sur l'ensemble des crimes commis en Croatie, notamment sur les responsabilités sur la guerre en Bosnie qui a fait 100.000 morts dont 70% de musulmans.

Quelles conclusions pouvez-vous donner sur ce procès inachevé ?

- C'est un fiasco dans l'ensemble, mais un fiasco intéressant. D'une part, parce que la thèse de l'inculpation de Milosevic, qui veut lui donner la responsabilité première des nettoyages de l'ex-Yougoslavie, n'est pas démontrée. Même si Milosevic a une implication majeure sur ce point, c'est complètement faux, sur le plan politique et factuel, de dire qu'il était le seul responsable. Milosevic était accusé de génocide sur la Bosnie-Herzégovine. Or si cette accusation était validée, elle devait l'être aussi pour les dirigeants croates. Il a en effet une co-responsabilité avec Franjo Tudjman, président de la Croatie pendant toute la décennie 90. Il y a ainsi des non-dits. Par exemple, Milosevic a été inculpé pendant la guerre de l'OTAN (sur le Kosovo), en 1999.Or, c'est en 1995-96 qu'il a été le plus impliqué dans le plan de partage de la Bosnie (et ce, en connivence avec les dirigeants croates qui n'ont eux pas été impliqués). Mais il y a eu silence des grandes puissances, car à cette époque, Milosevic était l'appui de leur plan de paix, y compris à Dayton, de 1993 à 1998 (donc au moment de Srebrenica). Cependant, il n'est pas non plus démontré que le TPI soit le strict instrument des grandes puissances, même s'il est contraint sous condition de leur choix. Il a une logique juridique indépendante réelle qui cherche à se crédibiliser notamment en arrêtant des dirigeants non serbes. Mais, il aurait été préférable que Milosevic ait été jugé par une juridiction nationale, appuyée par des démarches nationales, avec possibilité de recours pour les victimes devant un tribunal international, au cas où le premier jugement n'aurait pas été suffisant.

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lundi, mars 13, 2006

Comprendre, dialoguer, rompre avec la paresse

Je voulais me laisser encore du temps. Je ne voulais surtout pas commencer par là. Et pourtant, les morts successives de Milan Babic et de Slobodan Milosevic ont eu lieu, coupant net le procès, coupant net un processus entamé depuis des années, désespérant tous ceux qui en attendaient quelque vérité. Les commentaires abondent dans la presse internationale. Les rumeurs aussi.

Alors me reviennent toutes les images de la guerre que nous avions vues à Paris, sans que notre quotidien en soit pertubé.
Alors me reviennent notre peu d'engagement dans ce conflit, notre facilité à renvoyer ces événements à la légendaire "poudrière balkanique", à laisser s'empailler les "intellectuels" du 6ème arrondissement profondément clivés sur le sujet et absolument certains de leurs certitudes, ce qui n'a aidé personne à comprendre la situation bien au contraire, ce fut le dernier combat de ces nouveaux philosophes à présent bien tombés en désuétude ... , nos manifestations dérisoires par leur nombre sur les pavés parisiens, la faiblesse de nos analyses et de notre compréhension, notre propension au manichéisme stérile et l'impossibilité de tout dialogue...


Aujourd'hui, simplement relire quelques pages d'Hannah Arendt sur le procès Eichmann et quelques pages de Derrida sur les commissions vérité et réconciliation, qui le conduisent à explorer la problématique - insoluble et pourtant indispensable à penser- du pardon. Pour ne pas se laisser aller à la paresse du "toutes façons tout cela est trop compliqué, tout cela est de la politique qui nous dépasse, nous ne pouvons rien à tout cela...".

Un immense malaise m'étreint lorsque je repense à ces années où nous vivions confortablement laissant l'horreur se commettre à deux pas de chez nous. Lorsque je pense aussi au climat délétère qui s'installe chez nous, en France, où tous les jours les mots "barbare", "nettoyage", "racisme", "antisémitisme" s'étalent à la une de nos journaux nationaux, où la peur de tout et de tous se propage si rapidement.

A Belgrade, la vie continue sous une neige abondante subitement revenue. Les autorités ont préféré commémorer l'anniversaire de l'assassinat de Zoran Djinjic en 2003 survenu aussi un 12 mars. Peu de monde cependant au cimetière à en croire les images des télévisions locales. Peu de monde aussi au siège du parti de l'ancien dictateur toujours à en croire ces mêmes images.
Les serbes, et ceux que je connais, semblent surtout très las, très fatigués. La vie quotidienne est difficile, chômage, salaire moyen dérisoire, prix élevés, visas distribués au compte goutte, séquelles de la guerre, transition encore visible entre communisme et libéralisme, provocations des profiteurs de toutes natures, trafics divers...
Ici, le procès était diffusé à longueur de journée par des chaînes de télévisions locales. Plus d'une fois, il m'est arrivé de devoir toussoter dans un magasin ou un restaurant d'état pour que le personnel se détache de l'écran. Ce procès avait un pouvoir hypnotique certain, sa longueur un pouvoir anxyolitique pernicieux aussi. Qui m'a fait souvent m'interroger sur sur son sens et sa portée réelles en Serbie.

Comment arriver à laisser aux nouvelles générations de tous les balkans, Serbes compris, la possibilité de "commencer à nouveau" sans un poids infamant (pour les Serbes) ou compassionnel (pour tous) trop lourd à supporter ? Impartialité pour les descendants des victimes comme pour ceux des vaincus de cette histoire. Et d'abord dans nos propres regards.
Comment se restaurera le dialogue entre des populations dont on perçoit palpablement parfois la violence, l'agressivité, le désir de vengeance (pour une part compréhensibles mais non justifiables au regard des possibilités de devenir à préserver) encore contenues de toutes parts ?


"Mais pour les Grecs, l'essence de l'amitié consistait dans le discours. Ils soutenaient que seuls un "parler ensemble" constant unissait les citoyens en une "polis". Avec le dialogue se manifeste l'importance politique de l'amitié et de son humanité propre. Le dialogue (à la différence des conversations intimes où les âmes individuelles parlent d'elles-mêmes), si imprégné qu'il puisse être du plaisir pris à la présence de l'ami, se soucie du monde commun, qui reste "inhumain" en un sens très littéral, tant que des hommes n'en débattent pas constamment. Car le monde n'est pas humain pour avoir été fait par des hommes, et il ne devient pas humain parce que la voix humaine y résonne, mais seulement lorsqu'il est devenu objet de dialogue. Quelque intensément que les choses du monde nous affectent, quelque profondément qu'elles puissent nous émouvoir et nous stimuler, elles ne deviennent humaines pour nous qu'au moment où nous pouvons en débattre avec nos semblables. Tout ce qui ne peut devenir objet de dialogue peut bien être sublime, horrible ou mystérieux, voire trouver voix humaine à travers laquelle résonner dans le monde, mais ce n'est pas vraiment humain. Nous humanisons ce qui se passe dans le monde, et en nous en en parlant et, dans ce parler, nous apprenons à être humains." Hannah Arendt, Vies politiques.

vendredi, mars 10, 2006

Les jus de fruits : couleurs inattendues de la Serbie




Alors que nous languissons après le printemps, les jus de fruits serbes, variés, "bios" et tellement bons, nous rappellent que les couleurs fraîches et si élégantes des vergers et des fruits vont revenir bientôt avec le printemps.
A notre arrivée en septembre, nous fûmes réellement étonnés par ces innombrables jus que l'on trouve partout. A perte vue dans les trois ou quatres "grands" supermarchés de Belgrade, occupant des rayons entiers de la moindre supérette du nord au sud de la Serbie, s'entassant sur les étagères de la plus petite échoppe d'un village isolé dans les montagnes. De même dans les romans contemporains ou non, les personnages serbes boivent et apprécient les jus de fruits (cela apparaîtrait tellement étrange ou tellement décalé de lire qu'un personnage de littérature française boive ainsi des jus de fruits...non ?). Ainsi les serbes ne sont pas seulement des buveurs invétérés de rakija (à base de fruits aussi, prune, abricot, raisin...).

Et nous avons découvert que la Serbie était ainsi l'un des plus gros producteurs d'Europe de fruits rouges (et même du monde : pour les fraises - notamment les fraises des bois - et pour les framboises) et de prunes. De plus, ces fruits ont un goût inégalables, cultivés bios pour la plupart encore, ramassés à la main. Un délice et un soulagement pour tous ceux qui n'apprécient pas vraiment l'autre spécialité serbe : la viande rouge (aussi) et le porc.

Mais en cette saison, nous nous contentons des fruits congelés ... et des jus. Alors là, la créativité n'a plus de limite et parmi nos préférés (introuvables ou hors de prix en France) : le mûre/myrtille/groseille, le citron/menthe fraiche (une vraie trouvaille et une superbe réussite !), le pomme/cerise, le fraise/framboise et aussi les purs framboises et pures fraises...

De beaux atouts pour un commerce d'export atone. En ces temps,où l'Europe connait des crises alimentaires à répétition et où l'on va être contraint (vivement !) de cesser de massacrer animaux et volailles grâce à des paniques finalement bienvenues, et à adopter une consommation plus modérée et plus sage...., les jus de fruits serbes nous rappellent que les plaisirs de bouche peuvent être légers, riches, colorés et absous de toutes peurs.



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jeudi, mars 09, 2006

3 films américains et un philosophe français






Trois superbes films, nerveux, politiques, étincelants d'intelligence et de pertinence. La même façon de filmer haletante, vibrante, pour des sujets controversés, difficiles et urgents. Trois films qui nous font aimer l'Amérique, comme jamais. Parce que ces films là, on ne les trouve plus en Europe, et surtout pas dans le nombriliste cinéma français de ces dernières années. Seuls les documentaires s'en emparent encore mais dans des festivals de spécialistes, sans aucune chance de toucher un large public (et surtout sans le glamour irrésistible de Clooney, Fiennes, Damon, Kassovitz...). The Constant Gardener, Munich, Syriana sont exemplaires d'un cinéma populaire exigeant.

Une question leitmotiv pour les trois films et qui nous hante longtemps après la séance : comment défendre encore les valeurs démocratiques de l'Occident lorsque celui-ci les bafoue si ouvertement ?

Deux autres questions encore, posées avec acuité, celles-là même qui nous obsèdent et obsèdent toute la philosophie politique de ces cinq dernières années et notamment celle de Derrida à la fin de sa vie (lui qui justement ne put philosopher librement qu'en Amérique, la France lui refusant toute chaire et toute reconnaissance universitaire) .
La première : "Qui est le plus terroriste ?" et la deuxième : "Ne peut-on terroriser sans tuer ? Et puis tuer, est-ce nécessairement "faire mourir" ? N'est-ce pas aussi "laisser mourir" ? Est-ce que "laisser mourir" (des centaines de millions d'êtres humains, de faim, du sida, de non-médicalisation, etc.) ne peut pas faire partie d'une stratégie terroriste "plus ou moins" consciente et délibérée ?".
citations extraites de : Jacques Derrida, Jurgen Habermas, Le Concept du 11 septembre, Dialogues à New york, éditions Galilée, 2004 pour la traduction française.
Et si ces questions ne méritent en aucun cas des réponses rapides, simplistes, et abusives, elles ne méritent non plus en aucun cas d'être ignorées.
Ces trois films les prennent à leur compte admirablement, dans toute leur complexité,pour amorcer un début de compréhension et d'analyse, qui ne soit pas, surtout pas, jamais, une justification.

Grandiose cinéma américain qui porte sur les écrans du monde entier le questionnement de l'un des philosophes contemporains considéré, à tort, comme le plus hermétique et le plus difficile qui soit.


By the way, le Centre Culturel Français de Belgrade consacrera une table ronde à Derrida au début du mois de juin.

Sinon, décidément, le 8 mars aura une influence plus longue que prévue sur ce blog, puisque nous parlerons encore des femmes à propos de ces films. Ceci n'est pourtant absolument pas un blog féministe !!! Mais il est frappant de noter, dans chacun des trois, l'absence de figures féminines matures, capables de prendre leur destin en main, de dessiner leur propre devenir. On trouve une vestale de l'utopie déjà vieillie et passée de l'autre côté du temps (Golda Meir), des mères enfermées dans cette vocation univoque et dont on ne saura pas grand chose sinon que leur passé broyé ne leur permet aucun futur heureux, des épouses compréhensives mais muettes, des mères dont on menace de tuer les enfants ou dont on les tue sous leurs yeux, une expatriée rebelle pas assez mature pour sortir vivante de sa révolte, une femme de pouvoir masculine à l'extrême, des femmes exploitées, bernées, terrorisées, paupérisées, tourmentées, assassinées... . Le monde occidental ainsi décrit, et ainsi décrié, est un monde d'hommes conçus par eux et pour eux, sans aucune place pour notre bonheur.

Autre point commun, et si intéressant, le conflit des générations actuel : ce monde occidental, ainsi présenté et filmé, corrompu et déliquescent, violent et immoral est celui d'une génération d'hommes qui ne veut pas laisser les commandes, même pas à d'autres hommes, du moment qu'ils n'ont pas franchi la barre des soixantenaires...

Tout cela donne furieusement envie de relire de la philosophie politique, non ?

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Une autre image de la Serbie



Au jeu des images, la Serbie n'a aucun atout dans la presse internationale. Comme si perdurait un embargo journalistique sur ses aspects plus positifs, plus valorisants. Pour illustrer le 8 mars dans son portfolio, Le Monde, version net, avait choisi hier une image rude, rustre et rugueuse. Celle d'un homme (?), nu mais voilé de vapeur, s'immergeant dans un flot d'eau thermale chaude rejetée tumultueusement par une sorte de bouche à incendie, autour de lui, de la boue bien sûr et la campagne à perte de vue, assez peu riante, voire sinistre en cette saison de dégel.
En bref, l'image parfaite d'un pays composé de "seljatsi" grossiers et "nikulturni". Absence de femmes aussi alors qu'elles sont l'espoir de ce pays. Drôle d'image, drôle de choix.
Vous pouvez la visionner ici, c'est la photo numéro 5 :

Les images du jour du 8 mars
LEMONDE.FR | 08.03.06

© Le Monde.fr


Je voudrais tout de même montrer une autre vision de ce pays. J'ai trouvé cette belle photo sur un site de championnat d'échecs, sport intellectuel très prisé et très populaire ici. L'équipe féminine serbe se mesure à l'équipe féminine française. Dès les beaux jours, dans les jardins publics, les nombreux amateurs de ce jeu se retrouveront pour de longues parties jusqu'à la tombée de la nuit. Oui, vivement le printemps pour la Serbie !

DisTrans (cliquez ici ou sur le titre)

mercredi, mars 08, 2006

Aujourd'hui, la Journée internationale des femmes

Ce blog est encore en chantier.
Indulgence donc pour la forme (difficile de maîtriser tous les paramètres), pour le fond (l'écriture d'un post m'est encore exotique). Merci.


Aujourd'hui, la Journée internationale des femmes est une grande fête populaire en Serbie. Les enfants et les hommes offrent des fleurs et des petits cadeaux aux femmes de leur vie. Un grand soleil fait fondre la neige et la ville semble sortir de l'hiver. Une belle journée pour ouvrir ce blog. D'ailleurs, il est né aussi de l'envie de montrer que les femmes d'expatriés ne sont pas seulement de languissantes bourgeoises entre Emma Bovary et Anna Karénine, un préjugé que je partageais jusqu'ici mais sont aussi des femmes expatriées tout simplement. De l'envie de montrer comment les femmes serbes font tenir debout un pays mentalement et économiquement ravagé par la guerre. De la volonté de soutenir politiquement des femmes intelligentes qui savent que l'optimisme est devenu un devoir afin de préserver les possibilités du devenir de l'espèce humaine.(Quand une femme de notre génération - qui donc a du désir et de l'intérêt personnel pour l'avenir - gagnera enfin le droit de gouverner les Etats-Unis, l'ONU, la Chine, la Russie, l'Iran, l'Irak, Israël et bien sûr la France et la Serbie?)!
Il faudrait parler aussi de l'étrange manière dont les hommes ici se comportent avec avec leurs femmes, entre machisme pur et égalitarisme choquant issu de l'héritage communiste (pas un homme ne songe à vous tenir la porte, à laisser passer une femme, à lui céder sa place...)...encore un exemple pour mon playdoyer incessant pour un féminisme circonstancié, différentialiste.
Je ne considère pas comme une avancée du féminisme l'entrée des femmes dans des domaines où elles sont contraintes à singer les pires travers masculins et à renoncer à leur identité, au choix de leur genre, sans pouvoir remettre en cause les conditions mêmes de leur entrée dans ces domaines, conditions dictées par les pires valeurs des pires mâles. Ce féminisme là ne convaincra jamais les femmes qui en subissent les avanies, ni celles qui sont opprimées sous le joug religieux ou sous des régimes sans liberté. Ce féminisme là désolidarise les femmes entre elles.
Comment faire comprendre aux femmes irakiennes qui ont vu les femmes soldats d'Abou Graid, de Guantanamo que le féminisme est un progrès ? Et encore moins aux hommes qui en ont été les prisonniers ? Quelle utilisation et manipulation de ces images, quelle décrédibilisation de ce féminisme ? Totales, absolues.
Le féminisme doit être revisité de fond en comble, de toute urgence, il doit retourner aux sources, il nous faut recommencer là où Simone de Beauvoir et Germaine Greer nous ont montré le chemin, impérativement.
"Si l'égalité signifie le droit à une part égale des bénéfices de la tyrannie économique, ce droit est inconciliable avec la libération des femmes. La liberté dans un monde asservi n'est que la liberté d'exploiter. Le féminisme de façade affiché par les nations développées n'est que de la poudre aux yeux qui dissimule la masculinisation du pouvoir et la féminisation de la pauvreté dans les nations émergentes. Si vous croyez comme moi qu'être féministe, cela veut dire qu'avant d'appartenir à une race, une nationalité, une religion, un parti ou une famille, vous êtes une femme, vous devez vous sentir concernée par l'effondrement du prestige et du pouvoir économique de la majorité des felles dans le monde, comme conséquence directe de l'hégémonie occidentale. (...)Loin de s'être écrasée sur la rive, la seconde vague du féminisme est encore en pleine mer, où, lentement, inexorablement,elle croît et se multiplie. Celles qui sont vivantes aujourd'hui ne seront plus là pour assister aux premiers éclats du bouleversement à venir. Les femmes occidentales de la classe moyenne ont le privilège de servir la plus longue révolution de l'histoire, mais pas de la diriger. Les batailles idéologiques que se livrent les intellectuelles féministes sont nécessaires, mais elles ne sont qu'un préliminaire à l'émergence du pouvoir des femmes, qui ne surgira pas de la tiédeur des universités et de la presse féminine de consommation, mais nous fondra dessus sous la forme de femmes n'ayant rien à perdre, car elles ont déjà tout perdu. Il pourrait surgir de Chine, où tant de femmes divorcées pour avoir donné naissance à des filles, vivent et travaillent ensemble, ou de Thaïlande, où la prostitution et le sida déciment une génération, d'Iran ou d'ailleurs, où les femmes sont confrontées au fondamentalisme islamique, voire en n'importe quel lieu où la paysanne affamée voit des denrées de luxe destinées au marché occidental cultivées sur la terre qui jadis la nourrissait, elle et ses enfants. Et lorsque cette énergie s'embrasera, mieux vaudrait pour les femmes du monde riche qu'elles ne soient pas du mauvais côté." Germaine Greer, La Femme entière, 2002
Aujourd'hui donc, courons acheter des fleurs pour ne pas oublier cela, pour le transmettre aux enfants, et profiter aussi de cette ville encore blanche pour la journée ! Dans la Knez Mikhailova, pas une femme sans sa rose à la boutonnière, son bouquet de mimosa à la main, le printemps arrive bien avant Paris en Serbie !
Bonne journée donc, et continuons à avancer en toute solidarité.