jeudi, décembre 13, 2007

Un esprit clair

Stari Most, Vieux Pont, Belgrade. Fermé pour rénovation.

Pour sa justesse, la conclusion de Balkan Transit de François Maspéro.

"Prétendre se "promener" innocemment dans le labyrinthe des histoires ainsi forgées et forcément antagonistes est tout sauf innocent. (...) Toute tentative de dépasser les certitudes ancrées au plus profond des coeurs et des esprits peut être ressentie comme une offense et une blessure, et l'on me renverra alors à ma propre subjectivité. D'autant que je ne suis là que de passage, par définition léger, adjectif qui en induit un autre : superficiel. J'aborde avec légèreté des morceaux d'histoire dont des lecteurs se sentent souvent les détenteurs, les propriétaires (et c'est même souvent leur seul bien, en tout cas le plus cher, et pour eux il est sacré) : cette histoire est enracinée dans leur terre, gorgée de vies humaines, de sang, des sacrifices, d'événements tragiques, et toute recherche d'un autre sens que celui qu'ils leur donnent est sacrilège. (...) Je refuse donc de porter sur d'autres un regard angélique que je ne porte pas sur mon propre pays. Si je le faisais, ce serait une forme de mépris. La question la plus pertinente qui me fut posée sur la France est peut-être celle de l'étudiante de Sarajevo me demandant de lui parler des guerres de religion. Nous avons eu nos propres purifications ethniques, religieuses et, n'en déplaise à M. le délégué à la Langue Française rencontré à Skopje, linguistiques. Nous, Français du XXème siècle, avons seulement la chance que cela soit derrière nous. Rien ne nous dit que nous n'en avons pas encore une part devant nous, et ce qui se passe ou seulement se dit dans les contrées que j'ai traversées doit nous y faire réfléchir, si l'on s'en tient à mon propos initial qui est que ces contrées, sont bien au coeur de notre Europe. De même, je considère que j'ai le droit de ne pas juger en bloc des peuples et des nations en termes de bien et de mal, parce que je me suis moi-même efforcé de le faire dans mon esprit et, je dirai, dans ma chair, dès mon adolescence - lorsque j'ai décidé une fois pour toutes que je ne confondrai pas le peuple allemand et la nation allemande avec ceux qui ont torturé et assassiné les miens. De ces voyages, je suis sorti, moi qui aime profondément ma patrie, renforcé dans un sentiment : la haine de tous les nationalismes."