samedi, juin 10, 2006

A l'heure serbe

Les serbes ne sont pas rabelaisiens…

"Jamais je ne m'assujettis aux heures : les heures sont faites pour l'homme, et non l'homme pour les heures " François Rabelais, Gargantua, 1534.

Décidément, je ne m’habitue pas à ces nuits si courtes et ces matinées si longues en Serbie. Le jour à 4 heures du matin, comme s'il en était 8, me perturbe réellement, d'autant plus que je n'aime pas les matins.
J’en suis venue à émettre l’hypothèse paranoïaque que ce pays avait choisi volontairement le fuseau de l’Europe Centrale pour échapper à son passé byzantin et ne pas passer sur le fuseau d’Europe Orientale, celui de la Grèce, de la Bulgarie et bien évidemment de la Turquie - l'adversaire séculaire, quitte à se dispenser de ces longues soirées lumineuses de printemps.

Une vaste recherche m’apprend qu’en fait me voilà très franco centrée avec une vision déformée de ce phénomène. Déformée par ma contrariété et mon exaspération à l'idée que mes amis parisiens succombent aux charmes des terrasses éclairées par cette luminosité évanescente qui fait défaillir de plaisir les insomniaques et les amoureux de la nuit. Personne ne peut imaginer avec quelle impatience ces obsédés dont je fais partie attendons les mois de mai et juin... personne, non ..., il semble en ces soirées qu'une plénitude inexprimable se donne, que le temps nous caresse et nous désire, enfin...

Mais, la Serbie n'est pas fautive !
En effet, seuls deux pays ne sont pas sur leur fuseau originel : l’Espagne et la France. Et ce sont nos languissantes soirées sur nos balcons et terrasses qui constituent des exceptions divines.

Néanmoins, cette histoire de fuseau ne correspond pas à un ordre naturel mais à une invention canadienne pour harmoniser des horaires de train. Donc la Serbie pourrait adopter un art de vivre printanier…mais l’idée de dolce vita ne correspond pas souvent au mode de vie serbe…pas assez souvent…et puis d'accord, je suis très en colère avec cette obscurité trop tôt et cette clarté aux petites heures dont je ne sais que faire !

Et alors que je m’interrogeais sur ce que je pensais une particularité serbe,voilà que je me retrouve avec une histoire politique des fuseaux horaires français.

En résumé, si j'ai bien compris, le déroulé fut le suivant, et grâce soit rendue à : http://www.espace-sciences.org/science/ sur lequel j'ai trouvé des explications synthétiques.
En 1911, la France adopte l'heure donnée par Greenwich, petite ville située près de Londres, où se trouve l'ancien Observatoire astronomique royal ; le pays étant compris dans le même fuseau horaire que Greenwich. En 1916, la France décide de rajouter une heure, par rapport à l'heure de Greenwich pendant les mois d'été pour faire des économies d'énergie. Mais en 1940, occupée par les Allemands, Hitler lui impose l'heure de Berlin : il faut à cette époque rajouter deux heures en été sur l'heure de Greenwich et une heure en hiver. Puis en 1945, on revient finalement à l'heure de 1916, en appliquant l'heure d'été pendant toute l'année ! Mais en 1973, le " choc pétrolier " fait augmenter le prix de l'électricité. Donc en 1975, le président Valéry Giscard d'Estaing décide que les montres seront avancées l'hiver d'une heure sur l'heure de Greenwich et de deux heures pendant l'été. Cette heure de soleil en plus le soir devait permettre de réduire l'utilisation d'électricité pour l'éclairage.

Bref, mea culpa, les serbes ne sont pour rien dans ma mélancolie belgradoise lorsque je vois le soleil se coucher à 20h30 aujourd’hui. Nous sommes simplement plus rabelaisiens qu'eux.