Dioclée ...

Voilà, nous vivons désormais dans un pays sans accès à la mer.
Comment la perte de cette influence maritime sera-t-elle ressentie ? quel sera le prix à payer de la naissance de deux nations nouvelles au cœur de l’Europe ?
Dans ce blog, je ne me permettrai pas d’émettre des opinions politiques sur ces pays, dont l’histoire complexe, le présent tragique et l’avenir incertain méritent une considération empreinte d’une intelligence et d’une culture qui me font défaut.
Simplement, je pense, banalement, que le résultat de ce referendum nécessitera une gestion symbolique et politique habile, courageuse et en délicatesse, tant en Serbie que dans les instances européennes.
Tout ceci m’a remis en mémoire l’ancienne Dioclée que fut le Montenegro.
A Dioclée est né Diocletien, cet empereur paradoxal, amoureux des pluralités, issu d’une famille pauvre et d’un père esclave, et qui inventa ce curieux mais fort utile dispositif gouvernemental : la tetrarchie.
Délaissant lui-même Rome pour se réserver la partie orientale de l’Empire dont il était natif, il parvint à organiser ainsi l’immensité de l’empire romain. Mais, tout ceci sera défait par son successeur, Constantin et son persistant fantasme imperial de l’unicité (politique et religieuse). Ainsi disparaîtra cette sage tentation de la cohabitation gouvernementale.
Voltaire aimait bien Diocletien, il lui portait même peut-être une trop grande indulgence, allant jusqu’à excuser ses massacres et ses persécutions. Mais la fin de la vie de cet empereur atypique attire toutefois notre bienveillance.
« Diocletien tomba malade cette année, et, se sentant affaibli, il fut le premier qui donna au monde l’exemple de l’abdication de l’empire. Il n’est pas aisé de savoir si cette abdication fut forcée ou non. Ce qui est certain, c’est qu’ayant recouvré la santé il vécut encore neuf ans, aussi honoré que paisible, dans sa retraite de Salone, au pays de sa naissance. Il disait qu’il n’avait commencé à vivre que du jour de sa retraite, et lorsqu’on le pressa de remonter sur le trône il répondit que le trône ne valait pas la tranquillité de sa vie, et qu’il prenait plus de plaisir à cultiver son jardin qu’il n’en avait eu à gouverner la terre. Que conclurez-vous de tous ces faits, sinon qu’avec de très grands défauts il régna en grand empereur, et qu’il acheva sa vie en philosophe? » (Dictionnaire philosophique)
Enfin, au moment, où la polémique Comédie Française/Handke/Serbie continue, un peu plus mollement certes, mais on en reste tout de même à deux articles au moins par jour dans la presse nationale française, il faut rappeler cet épisode théâtral (où l’on voit que le théâtre et la politique entretiennent toujours des liaisons passionnées…).
Alors que Diocletien est accusé d’organiser des persécutions contre les chrétiens à Antioche, il se trouve (d’après Voltaire) à Rome où il aurait assisté à une représentation d’une pièce de théâtre contre les chrétiens : représentation devenue fameuse entre toutes dans l’histoire du théâtre. L’acteur principal se nomme Genest. Illuminé par la grâce, il se convertit à la foi chrétienne durant cette même représentation, détourne son rôle et la pièce provoquant ainsi l’empereur : ce qui lui vaudra d’être décapité et de devenir le célèbre Saint Genest comédien et martyre immortalisé par la pièce de Jean de Rotrou (modèle de mise en abyme baroquissime) et par le livre de Jean-Paul Sartre !
Quand je disais que notre vie d'expatrié en Serbie c’est du pur Matrix…. !


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