mardi, avril 04, 2006

Le théâtre, l'Europe...





« Je tiens ce monde pour ce qu’il est : un théâtre où chacun doit jouer son rôle»
William Shakespeare, Le Marchand de Venise

En France, la tragi-comédie du CPE continue. Un deuxième acte qui risque de tourner au drame gouvernemental.

En Serbie, l’Europe commence avec une actualité du monde des arts du spectacle, une bonne nouvelle : l´Union des Théâtres de l´Europe s´ouvre à la Serbie et à Israël.

L´Union des Théâtres de l´Europe, créée en 1990 à l´initiative du metteur en scène italien Giorgio Strehler et de l´ancien ministre français Jack Lang, annonce qu´elle ouvre cette année cette association de théâtres publics à la Serbie et à Israël.

Trois nouveaux théâtres rejoignent en effet l´Union, dont le Théâtre National Dramatique de Belgrade et le Théâtre Abimah de Tel Aviv. Le Teatro Stabile de Turin est également accueilli au sein de l´association où l´Italie est déjà représentée par le Piccolo Teatro de Milan, le Teatro di Roma et le Teatro Garibaldi de Palerme (un théâtre magnifique dans la noblesse de sa vétusté apparente).

Avec les nouveaux membres, l´Union des théâtres de l´Europe compte désormais vingt-deux théâtres adhérents représentant quinze pays.

Jack Lang préside actuellement l´Union des Théâtres de l´Europe qui défend la notion de "théâtre d´art" susceptible de contribuer à la formation d´un esprit critique du public et considéré comme un instrument fédérateur de poésie et de fraternité entre les peuples. L´Union permet aussi une politique d´échanges et de coproductions de spectacles entre théâtres membres et organise également des ateliers théâtraux (le prochain à l´automne sera animé par la Royal Shakespeare Company).

Chaque année l´Union organise également un festival. En 2006, sa quinzième édition est prévue à Francfort, siège du Schauspielfrankfurt, membre de l´association. Un prix annuel est en outre proclamé et il a couronné en 2006 le dramaturge britannique Harold Pinter.

Si la Serbie se rapproche encore un peu plus de l’Europe en renouant avec la vitalité des échanges artistiques qu’elle a connu avant la guerre, et notamment des échanges théâtraux, alors l’espoir peut à nouveau renaître. Car nous sommes nombreux à penser comme Giorgio Strehler que « L’Europe est une certaine idée de l’homme, avant même la création d’un système de gouvernement ».
Comme citoyens européens, nous sommes tous les héritiers d’Homère, de Virgile (l'auteur de la fameuse histoire d’Enée, fondateur de l’Europe sur cette Sicile où se trouvent les plus beaux théâtres du monde), de Shakespeare, de Calderon de la Barca, de Dante, de Cervantès, de Michel-Ange, de Rembrandt, de Chopin, de Bach, de Mozart, d’Eisenstein, de Picasso, de Fellini, de Kafka, de Proust…

Et je me souviens aujourd’hui de cet « appel des artistes pour une Europe fondée sur la culture » qui avait été lancé en 2004.

Ce texte soulignait que l’Europe reniait son héritage, se construisait sur des considérations économiques et monétaires qui reléguaient dans les coulisses l’identité européenne. Que même les avancées considérables en terme de droits de l’homme, d’écologie, de programmes de formation universitaire se réalisaient dans l’indifférence générale des populations pourtant concernées. Comme si le « sens » européen faisait défaut. Parce que l’histoire très ancienne de l’Europe, l’histoire des Empires qui l’ont fondée, l’histoire de sa civilisation n’ était pas transmise, pas entretenue, pas enrichie.
« Si l’Europe de la production et de la consommation devait l’emporter sur l’Europe comme civilisation, si l’Europe comme grand marché devait se substituer à l’Europe comme projet politique et culturel, la crise mondiale pourrait culminer dans un affrontement entre les forces de l’intégrisme et celles du matérialisme. Cet affrontement pourrait se révéler aussi douloureux et destructeur que les pires événements qui ont frappé l’humanité au siècle dernier. » et les signataires étaient Peter Brook, Jordi Savall, Pierre Boulez, Georges Prêtre, Andrzej Wajda, Riccardo Mutti, Maurice Béjart, Luc Bondy, Amin Maalouf, Luca Ronconi... et tant d'autres encore.
Cet appel se terminait par trois demandes. La première : élaborer une constitution qui soit un projet de civilisation dans lequel les objectifs économiques soient des moyens et non des fins. La deuxième : mettre en œuvre un projet européen de politique culturelle ambitieux. La troisième : construire avec les artistes et les responsables culturels des réseaux de créations et de diffusion des œuvres forts et visibles en Europe.

Et il se concluait ainsi : « Ce renforcement de l’unité européenne ne contredit en rien la diversité culturelle : il doit au contraire la protéger et la renforcer. En outre, une réelle ambition commune est nécessaire pour conjurer sur notre continent les dérives communautaires et les flambées nationalistes. Il en va de même pour le monde : dans le dialogue des cultures qui s’impose avec urgence à toute la planète, l’Europe doit remplir le rôle qu’elle est aujourd’hui la seule à pouvoir jouer. C’est une obligation morale et historique. »

Que la Serbie et Israël rejoignent simultanément l’Union des Théâtres en Europe est hautement symbolique, vive les artistes, toujours visionnaires !

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