vendredi, décembre 07, 2007

Des pays qui n'existent plus, suite...

"Le pont dressait sa silhouette, comme condamné, mais intact et entier, entre deux mondes en guerre." Ivo Andric, Le Pont sur la Drina, chapitre 23.
Le Pont sur la Drina à Visegrad, ce jour là des enfants dansaient en costume traditionnel.

Pour revenir en Serbie, depuis Dubrovnik, il faut passer par Gorazde, ville encore hagarde et détruite, ville martyrisée, à Gorazde, on ne peut que se taire, puis,

il faut traverser Visegrad où se trouve le très célèbre Pont sur la Drina dont Ivo Andric a fait un symbole et un roman indispensable à tout amoureux de la littérature et des Balkans. Et aussi pour comprendre quatre siècles de domination ottomane puis austro-hongroise.

Ce pont relie les deux rives de la Drina, mais aussi la Serbie et l'ex Bosnie (désormais Visegrad se trouve en Republika Srpska, tout comme Mostar se trouve dans la Fédération croato-musulmane, ces régions autonomes sont fédérées dans la Bosnie Herzégovine; mais l'une regarde la Serbie, l'autre la Croatie. Dès que le Kosovo déclarera son indépendance, elles pourraient manifester des vélléités similaires... Pour l'instant, ça semble assez n'importe quoi mais cela permet de reconstruire un semblant de société...).

Ivo Andric était bosniaque de naissance, de parents croates et serbe par ses engagements durant la seconde guerre mondiale. Un croisement identitaire tout à fait banal ici, et soudainement devenu dramatique, il y a si peu de temps, au coeur de notre Europe.


La Neretva qui traverse Mostar, la Drina qui traverse Visegrad sont splendides. Leur eau verte - le vert de la Neretva varie de l'émeraude au jade, celui de la Drina est d'un ton profond, sombre, souverain - est d'une luminosité sans pareille. Cette couleur unique vaut tout un voyage. Ce voyage sur des routes sans nom, sans tracé, remplies de bestiaux qu'il faut pousser ou convaincre de se pousser, à travers des villages et des villes coupés, déchiquetés, minés, désertés au beau milieu de paysages stupéfiants de beauté et d'intégrité.



"En bas, il y avait aussi le pont détruit, atrocement, cruellement, coupé en deux. (...) Voilà que même le pont du vizir avait commencé à se défaire comme un collier de perles ; et lorsque cela commençait, plus personne ne pouvait l'arrêter." chapitre 24.